La poterie est le lien intime entre l’homme et la terre, ses origines plongent profondément dans l’histoire lointaine de l’homme. D’un mouvement magique de sa main, le potier raconte la genèse de sa création en faisant surgir une forme achevée de la même matière dont le créateur fit naître l’Homme. On retrouve des traces de cette activité plusieurs fois millénaire dans toutes les civilisations. Les plus anciennes poteries ont été découvertes en Égypte ancienne entre 10000 et 6000 avant Jésus Christ. Les perses, les chinois, les chaldéens, les assyriens, les romains, les grecs, et les arabes utilisèrent la céramique pour architecture et décor interne. La civilisation islamique a produit ensuite une céramique très raffinée qui a vite évolué dans tous les pays musulmans. Inspirée de l’art iranien et chinois, la poterie islamique devient un art unique profondément original. Au Maroc, la poterie est surtout une tradition locale dés l’antiquité, à part les faïences d’origine andalouse et persane. Tout en se rattachant historiquement à l’art musulman, la céramique marocaine était toujours une création spécifique. Intimement lié à son milieu de naissance, l’art de la poterie au Maroc varie donc selon ses centres de production : Fès, Salé, Marrakech, Safi... Boujemaâ Lamali est l’homme qui a brodé les secrets de la terre dans un village de Haute Kabyle en Algérie, notre artiste naquit vers 1890. Son père fort attaché à la terre, l’orientait vers l’agriculture, tradition familiale par excellence. A la différence de ses frères, Boujemaâ avait un penchant vers l’art et exprimait son désir pour s’instruire. Le père l’encouragea en l’envoyant chez un oncle qui l’inscrivit dans une école dans la banlieue algéroise. Le jeune élève nourrissait un autre rêve, celui de devenir un potier. A la sortie de l’école et quand il quittait ses amis, il se dirigeait vers l’atelier du célèbre maître céramiste français Soupireau. Il demeura dix ans dans son atelier d’abord comme apprenti et ensuite comme chef d’atelier. A l’école des beaux arts d’Alger où Soupireau enseignait l’art, Boujemaâ Lamali poursuivit sa formation, il fut recommandé au directeur de la Manifacture nationale de Sèvres et c’est ainsi qu’il y partit en mission. Son itinéraire se poursuivit avec un voyage d’étude en Espagne. Au Maroc un responsable au service des beaux arts créa un atelier de céramique à Rabat. En 1918, de passage à Paris il demanda conseil à la direction de la Manifacture Nationale de Sèvres qui lui présenta un céramiste talentueux qu’on nommait Boujemaâ Lamali. Après la première guerre mondiale Lamali s’installa à Fès pour prendre en charge la formation de jeunes potiers Fassis. Amoureux de Safi, il s’y installa dés 1918, la région promettait un avenir sûr à l’évolution de l’art du feu qui connaîtra un tournant avec l’arrivée du grand maître. C’est à Safi donc que commença son aventure marocaine. Il y anima avec compétence le premier atelier pilote en matière de poterie au Maroc, créé selon les instructions du Maréchal Lyautey. Un atelier qui s’est transformé par la suite en une école de céramique où Lamali soufflait les secrets de la terre.